La « grande démission » des salariés était prévisible

15/03/22  paru dans le METROPOLITAIN

Parmi les traumatismes post-covid, il en est un que nous aurions pu éviter car il a seulement été amplifié par la période covid mais il était déjà bien présent avant, je veux parler de la grande démission. Cette immense vague de salariés qui quittent leurs emplois jugés vides de sens…

En France, ce phénomène de démission sans avoir un autre emploi a bondi de 10 à 20 % selon les secteurs et aux Etats-Unis, ce ne sont pas moins de 40 millions de travailleurs qui ont quitté leur emploi sans horizon.

Cette épidémie de démissions est multifactorielle et a été multivitaminée au covid mais était très prévisible.

Nous avons d’ailleurs identifié au moins 5 de ces facteurs qui prennent leurs sources bien avant le covid.

  • Le premier des facteurs est la courbe démographique de la France et plus largement celle des pays “riches”, qui amènent à un manque de main d'œuvre estimé entre 2 et 4 millions pour la France sur la tranche d'âge des 30-45 ans (c'est-à-dire les forces vives).

    Nés entre 1976 et 1991, ils sont la génération post baby-boom et post 30 glorieuses. En 1974 (belle année…), la France découvre le chômage de masse et les 2 chocs pétroliers ne rassurent pas les français sur l’avenir, du coup ils font moins de bébés… Combiné aux départs massifs en retraite des baby-boomers et autres salariés nés avant 1974, on comprend que le phénomène va encore durer jusqu’en 2035 !!!

    Ce premier facteur démographique est structurel et aurait largement pu être anticipé en faisant par exemple appel à une immigration organisée et acceptée.

  • Le deuxième facteur est plus un phénomène de société qui a été mis en exergue avec la loi Aubry sur les 35H car désormais on fait son travail en fonction de ses loisirs et non plus ses loisirs en fonction de son travail. La valeur travail a perdu de sa superbe et la grande démission fait grand écho à cette philosophie de canalisation de son énergie sur les essentiels de SA vie : santé, famille, plaisirs. Encore une fois, ce phénomène n’est pas nouveau et aurait également pu être anticipé avec de vrais aménagements des emplois (temps, télétravail, responsabilisations…).

  • Le troisième facteur est générationnel, qui combiné aux 2 précédents fait l’effet d’une bombe dans les entreprises lorsqu’elles découvrent les milléniaux (personnes nées après l'émergence d’internet 95/98 et plus généralement après 2000). Ils sont ce qu’on peut qualifier des “Punks Poètes disparus”: No future and Carpe diem : So enjoy ;). En effet, depuis leur naissance, ils vivent avec le poids de notre planète qui ne leur survivra pas ! Alors à quoi bon, se disent-ils, profitons de l’instant présent.

    Là encore, le monde du travail pouvait l'anticiper en investissant sur la formation et l’intégration mais depuis plus de 30 ans, les entreprises ont une vision court terme dictée par les investisseurs qui raisonnent à 5 ans (entrée/sortie avec plus-value), et veulent des collaborateurs opérationnels dès leur arrivée pour gagner du temps. Pas étonnant que les “jeunes” deviennent des mercenaires qui regardent le monde du travail avec défiance et détachement.

  • Le quatrième facteur vient de la prise de conscience globale sur le durable et l’éthique. Aujourd’hui, on ne veut plus travailler dans une entreprise qui fait du mal aux humains, aux animaux, à la planète… et avec les avis et autres commentaires, il est facile de connaitre la mauvaise réputation d’une entreprise aussi bien vis à vis de ses clients que de ses salariés.

    Ce facteur commence seulement à être pris en compte par un certain nombre d'entreprises qui se sont lancés dans la marque employeur et à la conquête des labels de type “Great place to work”. Un certain nombre d’entre elles y vont forcées et contraintes quand elles sont au pied du mur de leurs difficultés à recruter !!!

  • Le cinquième facteur est l’arrivée d’internet qui a révolutionné le marché du travail.

    Les employeurs n’ont regardé que leur côté du miroir mais il faut comprendre que pour les candidats il est désormais très simple de voir toutes les offres disponibles en sélectionnant les meilleures : CDI, rémunérations les plus hautes à poste équivalent, plus proches de chez soi, …

    Les entreprises ne connaissent pas bien les jobboards et leurs fonctionnalités, du coup, nombreuses sont celles qui sont esseulées, invoquant la faute à la complexité d’internet pour expliquer leurs difficultés à recruter (le c’était plus simple avant). Elles auraient largement pu l’éviter en restant en veille sur les évolutions du marché de l’emploi et non en se contentant de regarder le train à vapeur passer et d’essayer de le prendre quand il est devenu TGV à 300 km/h…

Alors que faire face à ce phénomène, attendre que l’orage passe ou apprendre à danser sous la pluie ? 

Nous sommes convaincus que les entreprises vont apprendre à danser, certaines plus vite que d’autres avec ou sans accompagnement comme nous le faisons avec nos clients, pour faire évoluer leur rapport au recrutement ou de manière plus pertinente leur organisation.

➡️ Prolongez dès à présent cette lecture avec nous au travers d'un échange sur LinkedIn

Dans la même catégorie :