28/02/18 paru dans 20minutes
La start-up de Yohan Zibi vérifie les informations fournies par les candidats sur leur formation ou leur parcours professionnel. Il y a du travail : plus de la moitié ment.
Il assure, lui, ne jamais mentir. Sous le feu des questions, Yohan Zibi décline d'ailleurs son identité et son cursus sans ciller : 37 ans, ancien trader passé par Londres et diplômé (en France) d'une école de publicité, reconverti depuis deux ans dans l'entreprenariat. Le nom de la start-up qu'il a lancée en 2016 ? Everycheck (que l'on peut traduire par « je vérifie tout » en anglais). « Cela va des grosses casseroles aux petits mensonges », décline-t-il.
Son business s'apparente aujourd'hui peu ou prou à celui d'un détective privé. A la différence que Yohan Zibi ne traque pas les conjoints infidèles mais part sur les traces des chercheurs d'emploi qui prennent quelques libertés avec leur cursus universitaire ou leur expérience professionnelle. Et ils sont nombreux.
Dans son « Livre noir des CV trompeurs », le spécialiste en ressources humaines Florian Mantione révèle que 65 % des CV en France ne correspondent pas à la réalité des candidats. « A la différence des détectives privés, nous prévenons les gens dont nous vérifions le cursus, soutient Yohan Zibi. Avec mes équipes, nous contrôlons, par des recherches en ligne ou par téléphone, ce que les postulants à tel ou tel emploi inscrivent dans leur CV. C'est une pratique tout à fait légale qui surprend nos moeurs de latins mais qui est très en vogue dans les pays anglo-saxons. »
C'est un fait. Seuls certains CV truqués — comme celui de la députée européenne (LR) Rachida Dati ou, plus récemment, de l'homme politique italien Giuseppe Conte — ont défrayé la chronique. Mais dans le milieu du recrutement, les mensonges sont légion. Si certains sont de petits bobards sans prétention, d'autres relèvent de l'escroquerie (lire ci-dessous).
«Une mauvaise embauche coûte de l'argent à l'employeur»
« D'après nos statistiques, les hommes sont 11 % de plus à mentir que les femmes », souligne au passage Yohan Zibi qui classe les mensonges en deux catégories, les rouges et les oranges, avant de dresser ensuite un rapport complet qui analyse le CV de chaque candidat. « Mais, même lorsque les menteurs savent que leur CV va faire l'objet d'une vérification, certains persévèrent dans le mensonge. » Depuis sa création, la société Everycheck se targue d'avoir passé au crible plus de 2 000 CV. Là encore, selon elle, 65 % des documents vérifiés présentent au moins une information fausse ou embellie. « Une mauvaise embauche coûte de l'argent à l'employeur qui doit parfois se séparer de l'employé ne correspondant pas au profil recherché. Notre activité limite le turn-over dans l'entreprise », argumente par ailleurs Yohan Zibi qui, à ce jour, a signé des contrats avec plus de cinquante sociétés, de la TPE à la firme du Cac40. Le groupe Caisse d'Epargne-Banque populaire fait notamment partie de ses clients.
La jeune pousse a réalisé une première levée de fonds de 1 M€ et ambitionne de se lancer à l'international, notamment en Espagne ou en Italie. Là où, glisse Yohan Zibi, les besoins seraient importants.
L'AIDE-COMPTABLE ÉTAIT EN FAIT… AGENT D'ENTRETIEN
Au concours des candidats bonimenteurs, qui a remporté la palme ? Nous avons posé la question à Yohan Zibi. Sans hésitation, il a cité ce candidat qui avait inscrit sur son curriculum vitae être aide-comptable alors qu'il n'avait fait qu'enchaîner des contrats comme… agent d'entretien. Il y a aussi ceux dont la ficelle est un peu grosse comme ce candidat qui disait avoir travaillé en tant que vendeur en magasin. Vérification faite, la boutique mentionnée sur le CV n'avait pas encore ouvert à ce moment-là. Autre catégorie intéressante d'affabulateurs : ceux qui enjolivent leur formation. Un candidat avait inscrit noir sur blanc sur son CV avoir fait l'ESSEC, une prestigieuse école de commerce. En réalité, il s'était contenté de prendre des cours particuliers avec un ancien professeur de l'ESSEC pendant un mois…