Je suis choriste. Je chante dans une chorale. Je suis un amateur, mais un amateur passionné. Je participe à des répétitions deux fois par semaine, et souvent nous nous produisons bénévolement le week-end dans différentes salles de la région.
Même quand je suis souffrant, je chante, car je ne veux pas pénaliser mon groupe. J’ai pris un engagement et je tiens à le respecter.
Je chante sous la conduite d’un chef de chœur, intraitable mais équitable. Nous ravalons tous notre orgueil quand il nous reprend, car nous lui faisons entièrement confiance.
Je suis fier de chanter dans ma chorale, et les frais que j’y engage, comme ma cotisation annuelle, l’habit de scène et les frais de déplacement ne représentent pas grand chose en regard des bénéfices que j’en retire. Je suis reconnu. Même si je ne suis qu’un élément de la chorale, même si je suis interchangeable, je contribue à un ensemble et je me sens indispensable.
Souvent ma femme me dit que je n’agis pas de la même manière dans mon entreprise, et elle a beau jeu de me faire remarquer que je ne me rends pas souvent à mon travail avec le sourire. C’est vrai que j’apprécie peu mon chef et que je m’entends modérément avec mes collègues, car nous avons peu de choses en commun à partager. M’absenter ne me gène pas. Arriver en retard, non plus… J'exécute mon travail correctement, sans plus. Je respecte mon contrat de travail et je fournis 35 heures. Ma femme rajoute : « 35 heures de présence » et non 35 heures de travail ou de plaisir...
Souvent, ma femme me parle de son entreprise. Elle s’y épanouit car elle réalise un travail intéressant, elle est reconnue par son chef et s’entend bien avec ses collègues. Elle est fière de travailler dans sa société et, quand elle en parle, ses yeux brillent. Je l’envie !
Je dois souffrir du syndrome du choriste : si j’ai choisi ma chorale, si j’accepte les règles du jeu, si je me réalise, cela se passe différemment dans mon entreprise que je n’ai pas vraiment choisie, dont personne ne m’a expliqué les règles du jeu, et où je ne me réalise pas.
Ma femme dit que je dois m’adapter. Que je ne m’implique pas assez. Elle insinue que j’ai une part de responsabilité. Ou alors, que je dois chercher une autre entreprise où je puisse m’exprimer, m’épanouir...
Peut-être a-t-elle raison. Ou peut-être mon chef devrait-il suivre une formation pour apprendre le management... et devenir un vrai chef de chœur !
Florian MANTIONE
Augustin VALERO
Loïc DOUYERE