18/07/22 paru sur Figaro Recruteur
Selon différentes études, environ un tiers des candidats trichent sur leur CV. Il y a les petits arrangements avec la vérité, qui visent à gonfler ses compétences, et ceux purement fictionnels, comme l’obtention d’un diplôme jamais passé.
Des mensonges qui peuvent coûter cher à l’entreprise. Alors comment ne pas se faire berner à la lecture d’un CV et quelles questions poser aux candidats pour les démasquer ? Suivez le guide !
C’est connu : les candidats mentent énormément sur leur CV, sans que cela ne leur pose aucun problème… « Comme quasiment personne ne vérifie les informations transmises par les candidats, ces derniers trouvent tout à fait normal de bidonner leur CV. D’après nos chiffres, 65 % des postulants trichent et 70 % d’entre eux estiment logique de procéder ainsi pour être recrutés », indique Augustin Valero, co-gérant du cabinet de recrutement Florian Mantione Institut.
Une pratique qui touche toutes les strates de la société française, jusqu’à son sommet. On se souvient de l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, qui s’était inventé un diplôme de sciences politiques, prétendument obtenu à l’IEP de Paris, de l’ancien Grand Rabbin de France, Gilles Berheim, qui se vantait d’avoir passé une agrégation de philosophie ou encore de Jacques Labeyrie, ancien directeur de l’Ecole Centrale de Lyon, qui se présentait, lui, comme « normalien » alors qu’il était simplement diplômé d’une école normale d’instituteurs…
Plus incroyable encore, Philippe Gaillard a pu travailler de novembre 2011 à février 2012 comme directeur de l’aéroport international de Limoges, sur la base d’un faux diplôme d’ingénieur de la navigation aérienne. Heureusement il n’a eu aucun crash à se reprocher. Mais Philippe Gaillard a fini par être démasqué, licencié et traduit en justice. Il faut dire que l’homme était un affabulateur et un escroc notoire. Sans ses autres mensonges, son ex-employeur limousin n’aurait peut-être pas eu l’occasion de le charger à la barre. En effet, depuis la loi Aubry du 31 décembre 1992, il revient à l’entreprise de s’assurer de la véracité d’un CV. En clair, une fois la période d’essai passée, le ver est dans le fruit.
Sommaire :
- L’expérience professionnelle, la section la plus erronée d’un CV
- Comment repérer les mensonges sur un CV
- Mener un entretien d’embauche efficace
L’expérience professionnelle, la section la plus erronée d’un CV
D’après une étude du cabinet de recrutement Robert Half, publiée en 2018, les candidats mentent principalement sur leur expérience professionnelle (55 %), la durée des missions (42 %), leurs compétences techniques (40 %) et linguistiques (34 %) ou les tâches réalisées (27 %).
Les hommes mentiraient deux fois plus que les femmes, et parmi les plus menteurs, les commerciaux détiennent la palme. « Ils ont toujours des résultats en progression ! », s’amuse Augustin Valero. Arrivent ensuite sur le podium des tricheurs, les managers, les techniciens-ingénieurs et les administratifs, selon le co-gérant du Florian Mantione Institut.
Comment repérer les mensonges sur un CV ?
Devant les mensonges des candidats et le coût d’un mauvais recrutement, de plus en plus d’entreprises cherchent à vérifier les CV. Pour ce faire, elles disposent de plusieurs options. La première, gratuite, est à l’initiative du gouvernement. Sur diplôme.gouv.fr, les entreprises peuvent ainsi s’assurer que le candidat a bien obtenu le diplôme indiqué. Il suffit d’entrer son nom et la « clé de contrôle » préalablement fournie.
Autres possibilités, payantes, demander à des prestataires privés d’étudier la véracité des informations. Par exemple, pour environ 70 euros, la start-up Everycheck assure l’authentification d’un CV et fournit, dans un délai de 48 heures, un rapport complet sur les données transmises. Les équipes d’Everycheck contactent notamment les universités et les services RH où les candidats sont passés. Attention, cette dernière pratique est formellement interdite de la part d’une entreprise, à moins d’avoir expressément obtenu du candidat l’autorisation de joindre son (ex)-employeur. « Le mieux, selon moi, est de chercher des informations sur les candidats sur les réseaux sociaux professionnels et de les recouper avec celles fournies sur le CV, conseille Augustin Valero. Sur internet, ils ne trichent pas puisque les informations sont transparentes. Il est ainsi facile de confronter le CV papier que vous recevez au CV en ligne ».
Ensuite il faut jouer au détective et vérifier si les dates concordent, si l’intitulé de poste est le bon, si les employeurs cités existent véritablement. Analyser les publications partagées sur les réseaux professionnels fournit également des indications sur les centres d’intérêt des candidats. Mais attention à ne pas traquer les postulants sur Internet. Hors sites professionnels, la loi interdit en effet de collecter des informations personnelles, ou intimes, les concernant.
Une fois cette « enquête » réalisée, faut-il rejeter les candidatures erronées contenant des mensonges ? « S’il s’avère que le candidat n’a pas les compétences pour le poste, la réponse est évidemment oui. Mais si ce sont des embellissements de parcours, je serais moins tranché », ajoute Augustin Valero. Si vous choisissez de recevoir les postulants en entretien, il faudra être pointilleux durant l’échange. Mais déjà, avant de le recevoir, demandez-lui de venir avec les originaux de ses diplômes et de ses derniers bulletins de salaire. Soyez certain que de nombreux candidats annuleront leur rendez-vous…
Mener un entretien d’embauche efficace
Attention à ne pas confondre entretien d’embauche et interrogatoire de police. Tous deux nécessitent de la rigueur dans la manière de procéder mais l’entretien n’a pas pour objectif de coincer le candidat. « Soyez précis dans vos questions, reprenez le parcours du candidat avec les dates exactes et ne vous laissez pas conter d’histoire. Les incohérences feront vite surface. Si vous recrutez un manager, demandez-lui de parler de son quotidien avec ses équipes. Par exemple, quels objectifs il leur donnait ? Comment juge-t-il son style de management ? Et concrètement, que mettait-il en place par rapport à cela ? S’il est écrit ‘management horizontal’ mais qu’il s’avère, dans ses réponses, être finalement un petit chef, vous saurez à quoi vous en tenir », poursuit le co-gérant du Florian Mantione Institut.
Dernière technique pour confondre un candidat et le mettre en face de ses mensonges : l’étude de son langage corporel. Sans jouer au profiler, il y a tout de même des gestes qui ne trompent pas. Un regard fuyant, une voix chevrotante, les mains moites, les bras croisés ou un flot ininterrompu de paroles sont bien souvent les signes d’un malaise. Dans ce cas, c’est l’intuition du professionnel qui compte. Elle n’est pas infaillible mais ne la sous-estimez pas.
Les anglo-saxons appellent cela le gut-feeling, ce ressenti qui vient des tripes. Quand on sait que le défunt fondateur d’Apple, Steve Jobs, jugeait l’intuition plus puissante que l’intellect, on se dit que ça peut valoir le coup d’écouter sa « voix intérieure ».