Montpellier : deux experts du recrutement analysent l’impact du coronavirus sur nos comportements professionnels

09/06/2020 – Voir l'article paru dans LE METROPOLITAIN

 

Quels sont les effets durables du coronavirus sur nos rapports professionnels ? Et comment tirer profit du changement ? La question aux experts du Florian Mantione Institut.
Par son caractère soudain et inédit, l’épidémie de coronavirus que nous venons de traverser agit comme un rouleau-compresseur sur l’économie française toute entière et transforme la vie au sein de nos entreprises. Alors, comment tirer parti du changement ? Et quels sont les effets durables de cette crise sur nos futurs rapports professionnels ? La question est posée à Loïc Douyère et Augustin Valero, Directeurs associés au sein du Florian Mantione Institut et tous deux experts en formation, recrutement, coaching et trajectoires de carrière.
 
Interview :
 
Vous venez de dévoiler récemment les résultats d’une grande étude portant sur le télétravail durant le confinement. Ce mode de fonctionnement n’est pourtant, il faut l’avouer, pas encore vraiment rentré dans les mœurs. Sauf que, « à cause ou grâce » au coronavirus… Il a fallu s’y mettre !
 
Augustin Valero : C’est à peu près ça, oui. Et après deux  mois de période de confinement, le Florian Mantione Institut a justement voulu connaitre le sentiment des cadres sur cette période de travail inédite. C’est pourquoi avec Loïc et l’ensemble de nos collaborateurs, nous avons entrepris de sonder 6 000 cadres suivis par le Florian Mantione Institut et de partager les résultats de cette étude, qui sont globalement positifs. Et je dirais même « encourageants ».
 
En quel sens ?
 
Augustin Valero : L’étude montre que les cadres étaient préparés à faire face à une période de télétravail, puisque 50 % d’entre eux le pratiquaient déjà et qu’ils sont même 82 % à affirmer avoir apprécié cette nouvelle situation. Ils sont aussi plus de 2/3 à reconnaître avoir « progressé et gagné en autonomie ». Cela, même s’il a fallu forcer certains verrous, comme par exemple l’usage de nouveaux outils digitaux collaboratifs ou l’adoption de nouvelles méthodes managériales.
 
Cette étude nous questionne sur nos habitudes de travail et sur la culture d’entreprise version 2020, vous ne pensez pas ?
 
Loïc Douyère : Notre étude montre que l’adaptation des cadres s’est réalisée sans difficulté et que le télétravail peut devenir un atout pour les recruteurs souhaitant intégrer des cadres à haut potentiel. Les recruteurs d’aujourd’hui doivent désormais évaluer la capacité de leurs futures recrues à télétravailler. Quitte à les « former » à ça car, actuellement, cette capacité repose uniquement sur les compétences et l’autodiscipline des collaborateurs. L’autre question à se poser est celle de la place des relations dans l’entreprise. A quel moment l’absence de relations humaines nuit-elle à la performance ?  Au niveau managérial, les managers devront être capables de diriger, animer contrôler et faire évoluer leurs collaborateurs autrement qu’en présentiel. C’est un challenge que l’entreprise devra relever.
 
J’aimerais revenir sur cette question de discipline professionnelle. Vous ne pensez pas que le succès ou l’échec du télétravail peut aussi dépendre des outils et du cadre à disposition ? Je veux dire, travailler sur un coin de table ou au milieu du salon, ça n’est idéal pour personne…
 
Loïc Douyère : L’immobilier d’entreprise va devoir se renouveler, c’est une évidence. Le COVID sonne la fin des open espace, du moins pour un certain temps… Et il sera difficile de revenir en arrière. En allant plus loin, je dirai même que notre vision du domicile familial va aussi changer. Depuis des années, on fait tomber les cloisons, on crée des ouvertures… Mais quand on n’a plus de bureau, effectivement, le télétravail peut s’en trouver compliqué. Cela ne m’étonnerait pas que dans les nouveaux critères des acheteurs, la pièce « bureau » s’impose comme un essentiel.
 
Augustin Valero : On le voit d’ailleurs avec l’apparition d’espaces « modulables » dans les programmes immobilier neufs mis sur le marché.
 
Loïc Douyère : Sur le plan matériel, notre étude montre cependant que les cadres sont suffisamment outillés. Parmi eux, 70 % le disent même clairement : « Ils travaillent aussi bien, sinon mieux », à la maison qu’au bureau ! Quant aux outils de communication, la grande nouveauté réside dans l’usage croissant de la visio-conférence, juste deux points derrière les appels téléphoniques. Meet, Zoom, Skype et autres plateformes ont été utilisées par 82 % des cadres. Les mails gardent la première place avec 95 % des utilisateurs.
 
"Le télétravail va s'imposer avec davantage de force dans le futur", prédit Lois Douyère. (©Mario Sinistaj)
 
En gros : un ordinateur, du débit internet et quelques outils collaboratifs.
 
Augustin Valero : Oui, oui, et oui.
 
Loïc Douyère : Regardez les Américains, qui sont souvent très en avance sur ces questions. Google, Facebook et Spotify ont décrété qu’ils ne voulaient plus personne au bureau avant 2021. Twitter va même encore plus loin puisque le télétravail a été décrété sine die. Qu’est-ce qui nous empêche de travailler à la maison ? Ou depuis le bout du monde, pourvu qu’on soit connecté ? On peut très bien imaginer partir faire un trek et, à intervalles réguliers, faire des « pauses boulot » grâce à la 4G/5G et à son chargeur solaire. Elon Musk (Tesla, SpaceX) envoie en ce moment des wagons de satellites autour de la terre pour que depuis n’importe quel point du globe, on capte, à terme, Internet sans difficulté. D’une certaine façon, on va ouvrir encore un peu plus grand la porte du bureau !
 
En tant que dirigeants d’un cabinet de recrutement, quelle est votre vision de l’impact du coronavirus sur les comportements professionnels en entreprise, mais aussi sur le marché de l’emploi ?
 
Augustin Valero : Je dirai que le mot clé, c’est la confiance. En soi, en l’autre, en l’entreprise. Manager à distance, n’est pas fliquer. Travailler depuis chez soi ne signifie pas s’enfermer dans une bulle ou s’isoler. Télétravailler, ce n’est pas être moins productif. D’après notre analyse, c’est même plutôt le contraire car, comme les distractions sont moindres, la concentration croît… La nouvelle liberté en entreprise se dessine. Le coronavirus aura au moins eu de positif, qu’il nous aura fait sortir de notre zone de confort. Les réfractaires à la technologie n’ont pas eu d’autre choix que de s’y mettre, pour un bilan finalement plutôt positif.
 
Loïc Douyère : Les webinars de formation ont littéralement explosé. A tous les niveaux et dans tous les métiers, les gens ont tenté de combler leurs lacunes en se formant. La flexibilité s’est imposée comme la qualité première. Et elle restera, croyez-moi.
 
C’est darwinien : ce n’est plus le gros qui mange le petit, mais le rapide qui dépasse le lent.
 
Augustin Valero : Bien dit (sourire)
 
Pour Augustin Valero, directeur associé du Florian Mantionne Institut, le changement a aussi eu du bon pour les cadres et les entreprises. (©Mario Sinistaj)
 
Est-ce que vous appliquez ces bons principes à votre propre entreprise ?
 
Loïc Douyère : Le Florian Mantione Institut existe depuis 44 ans. On a connu les offres d’emploi et les candidatures par fax, Minitel, journal, téléphone, courrier… On a survécu à 2008 et au coronavirus. A chaque fois, on s’est adapté. Et on continue de le faire en accélérant notre présence web, nos webinars, en développant de nouvelles formes de relations professionnelles. Le confinement n’a d’ailleurs pas affecté l’Institut puisqu’en tant que réseau national, on est déjà rompu au travail à distance. L’homme d’hier n’est pas celui de demain. C’est valable pour l’entreprise d’aujourd’hui. Elle évolue, nous évoluons avec elle, et c’est normal.
 
Augustin Valero : Dans un certain sens, c’est même rassurant. Plus besoin désormais d’évangéliser les acteurs économiques concernant les vertus du digital, du télétravail, des outils collaboratifs, du management bienveillant… A nous, maintenant, de garder une longueur d’avance pour continuer d’accompagner candidats et recruteurs sur le marché du travail. En cela, on peut dire qu’on réfléchit déjà au « jour d’après ».
 
 
Interview réalisée par
Xavier PACCAGNELLA 
LE METROPOLITAIN 

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